Peindre pour ne pas vieillir.
L’autodicate Pierre Audette troque sur le tard son campeur pour les pinceaux
 

par Marie-Ève Muller

À 70 ans, Pierre Audette commence à peindre. Huit ans plus tard et sans cours de peinture, ses toiles se vendent dans les milliers de dollars et il a illustré la page couverture du Dictionnaire généalogique des familles Audet dit Lapointe. Petit portrait d’un artiste bien en vie.

Pourquoi commence-t-on à peindre à l’âge vénérable de la septième décennie? «J’ai été très actif toute ma vie, je ne pouvais pas, à ma retraite, cesser toutes activités. J’ai besoin de m’occuper», explique avec véhémence Pierre Audette.

En 2000, il troque donc son camping-car contre les pinceaux. «Chaque année, je partais en Floride avec ma femme, mais j’ai eu un pontage au cœur. Il a fallu que je me trouve une nouvelle occupation qui m’amenait moins loin de la maison», raconte le peintre accompli.


Pour Pierre Audette, ne pas exploiter un talent constitue un sacrilège!
(Photo : Gérard Legault)
 

Enfant, Audette rêve de devenir architecte, mais il est le premier de huit enfants. Le marché du travail l’a donc appelé rapidement. La peinture lui permet maintenant de jouer avec le métier qu’il n’a pas pu pratiquer. De la maison ancestrale aux six églises de l’Île d’Orléans, le père de quatre enfants et maintenant grand-père reproduit en couleurs les joyaux architecturaux du Québec.

Sur ces toiles, il calcule les angles, prend des notes. Le souci du réalisme est très présent. «J’essaie que mes toiles représentent vraiment la réalité. Je veux faire ressortir la vie qu’il y a dans ces rues que je dessine. Vous voyez, sur le sol, j’ai mis des rayures pour montrer les traces laissées par les voitures», montre-t-il sur ses toiles.

Pierre Audette admire beaucoup le peintre Georges Delfosse (1869-1939), natif de Mascouche. Pourtant, les toiles d’Audette sont nettement plus colorées. Les ciels sont bleus, rouges, oranges même s’ils sont toujours nuageux. Les fleurs éclatantes poussent, si ce n’est des arbres aux couleurs d’automne. Chaque construction a son pan de couleurs.

Il faut dire que Pierre Audette a eu sa propre compagnie d’imprimerie, Andco Ltée, à Sainte-Rose pendant 26 ans. «J’ai appris à développer la richesse des couleurs comme imprimeur. Je note aussi tous les détails, je sais qu’il faut être aux aguets pour atteindre la perfection», de dire l’homme à la retraite depuis 1995.

Le «jeune peintre vieux», comme il dit, a commencé à vendre ses toiles aux encan d’œuvres d’art de la Croix-Rouge. Cela lui a permis de rencontrer plusieurs artistes qui l’ont inspiré. «J’essaie d’arriver à leur cheville», ajoute humblement Pierre Audette.

Très autodidacte, Pierre Audette n’a jamais suivi de cours de peinture. Il a fait un peu de fusain dans sa jeunesse, mais sans plus. «J’ai fait deux séances de coaching avec des professionnels de la peinture. Ça m’a vraiment aidé», explique celui à qui l’on demande maintenant de donner des cours. «Je ne veux pas devenir professeur. Cela me volerait du temps pour peindre. Et je n’ai plus de temps à perdre.»

Car la vie avance inexorablement. «J’ai tellement de sujets à peindre! Je veux immortaliser toutes ces vues qui n’existeront peut-être plus», déclare avec urgence Pierre Audette. Il a d’ailleurs représenté le Mont Tremblant lors des débuts de l’exploitation immobilière. Sa toile ne coïncide plus avec la réalité. «Il y a maintenant des condos qui cachent la montagne. C’est aberrant», soupire-t-il.

Combattre l’inaction

Chaque année, Pierre Audette est invité à peindre au Carrefour Laval. Immanquablement, la séance de peinture se transforme en atelier de valorisation. «Je ne comprends pas que des gens restent inactifs. Tout le monde a un talent! Il faut savoir le trouver et l’utiliser, il est impensable de gaspiller un don», milite le peintre qui s’adonne à son loisir 30 heures par semaine.

L’activité est d’ailleurs ce qui garde en forme le septuagénaire. «Le matin, je me lève tôt. Je lis beaucoup, je chante. J’ai une vie régulière mais occupée et ça me maintient en forme», affirme-t-il. Le grand-père est fier de ses petits enfants qui foncent dans la vie. «Pour moi, il est important de viser l’excellence. Il faut monter la côte, même si c’est forçant. On se sent si bien lorsqu’on s’est dépassé! Mes petits enfants l’ont compris et ils donnent de la substance à leur existence», explique Pierre Audette, les yeux brillants de bonheur.

Pierre Audette peint tous les jours. Dans son atelier, l’artiste a une foule de photographies qu’il aimerait reproduire. «Je pars souvent avec ma femme, ma plus belle critique, en voyage à la recherche de sujets.
Il y a encore tant de choses à peindre!»

 




La vieille caserne, huile, 22"X28", 2005
Avec cette toile, M. Audette a remporté le prix du public lors de l'atelier À la manière de Marc-Aurèle Fortin tenu le 3 juillet 2005 rue Saint-Pierre à Montréal.